Blank Records / Blank 001 (USA), Janvier 1978
Bonus (sur le DualDisc uniquement, face DVD)
David Thomas : voix, musette, percussion
Tom Herman : guitare, voix
Allen Ravenstine : synthétiseurs EML 101 & 200, saxophone, bandes enregistrées
Tony Maimone : basse, piano, voix
Scott Krauss : batterie
Titres signés Herman - Krauss - Maimone - Thomas - Ravenstine sauf (6) Peter Laughner.
Production : Pere Ubu & Ken Hamann
Ingénieur du son : Ken Hamann
Ingénieurs Assistants : Paul Hamann, Mike Bishop
Studio : Cleveland Recording & Suma Studios (Paisneville/Ohio), 1976-1977
Graphisme original : S.W. Taylor
Graphisme des rééditions (1998) : John Thompson
22ème dans le classement des 25 meilleurs albums punk du magazine américain Shredding Paper (n°10, 2001).
34ème dans le classement des 50 meilleurs albums punks du magazine anglais Mojo (n°112, mars 2003).
Un des 30 superbes disques du "Post-Punk" d'après Nicolas Ungemuth, Rock & Folk (n°451, mars 2005) (France).
63ème dans le classement des 100 meilleurs premiers albums du magazine anglais Uncut (n°111, août 2006).
82ème dans le classement des 100 meilleurs albums pop/rock du quotidien israelien Yediot Acharonot.
Un des 20 albums classiques de la New Wave choisis par l'hebdomadaire français Les Inrockuptibles pour leur compilation-livre Collectorama #4 - New Wave, Tour du monde de Manchester à New York (Décembre 2009).
Un des 200 albums de la discothéque idéale "pop/rock" des années 60-79 sélectionnée par les disquaires des magasins Fnac (France) (mai 2010).
Un des 109 skeuds de la discothéque "punk" sélectionnée par le Géant Vert dans le magazine Rock & Folk, spécial Punk (HS n°29) (France) (décembre 2013).
13ème dans le classement des 50 meilleurs albums punk américains du madazine anglais Uncut (n°202, mars 2014).
Un des 555 disques choisis par la rédaction de Rock & Folk pour fêter les 60 ans du Rock'n'Roll (HS n°30) (France) (Décembre 2014).
Une des plus belles archives Post-Punk & New Wave de la Fnac (Vinyles n°3) (France) (Avril 2017).
Un des 100 vinyles sélectionnés par JD Beauvallet pour le livre Living In The 80's de la Fnac (France) (Janvier 2020).
Charts "indies" anglais : n°20 le 28 février 1981, présent pendant 2 semaines (Edition Rough Trade, 1981)
Bestop : n° 19 dans le classement du magazine français Best (Août 1978, n°121)
Street Waves, titre enregistré en octobre 1976 au studio Cleveland Recording pour le single du même nom, figure ici dans une version remixée.
Non-alignment Pact et Modern Dance ont été enregistrés en janvier 1977 dans le même studio. Modern Dance, paru aussi en single, a droit également à un remixage pour l'album.
Les autres titres ont été enregistrés au studio Suma en novembre 1977.
Label | Référence | Pays | Date | Commentaires | |
---|---|---|---|---|---|
Blank/Phonogram | Blank 001 | USA | Janvier 1978 | lp | |
Mercury/Phonogram | 9100 052 | UK | Avril 1978 | lp | |
Mercury/Phonogram | 6338 874 | NL/Intl | Avril 1978 | lp | |
Rough Trade/Gap Records | RTGAP1004 | Australie | 1981 | lp | |
Rough Trade/Gap Records | RTGAP1004 | Nle Zélande | 1981 | lp | |
Rough Trade | Rough 22 | UK | 1981 | lp | |
Rough Trade | Rough US 7 | USA | Mars 1981 | lp | |
Rough Trade/Base Record | Rough 22 | Italie | 1981 | lp | 1ère variante (étiquette noire) |
Rough Trade/Base Record | Rough 22 | Italie | 1981 ou 1983 | lp | 2ème variante (étiquette blanche) |
Base Rec./Go International | GILP 22 | Italie | 1981 | lp | Noté sur la pochette : "(ex ROUGH 22)" |
Rough Trade/Nuevos Medios | 43 135 L | Espagne | 1985 | lp | |
Fontana/Phonogram | 834 267-1/SFLP3 | Intl/UK | 1988 | lp | Ed. numérotée limitée à 1000 ex. |
Fontana/Phonogram | 834 267-1/SFLP3 | Intl/UK | 1988 | lp | Ed. non numérotée limitée à 1000 ex. |
Fontana/Phonogram | 834 267-4/SFMC3 | Intl/UK | 1988 | mc | Ed. non numérotée limitée à 1000 ex. |
Fontana/Phonogram | 834 267-2 | Intl/All | 1988 | cd | Ed. numérotée limitée à 1000 ex. |
Cooking Vinyl | COOK CD 141 | UK | Juin 1998 | cd | Master de 1994 |
DGC/Universal | DGCD-25206 | USA | Juin 1998 | cd | Master de 1994 |
Columbia House/DGC | DGCD-25206 | USA | 1998 | cd | Master de 1994 |
Bomba | BOM812 | Japon | 28/06/1998 | cd | Master de 1994 |
RTI | CKV 2114 2 | Italie | 1998 | cd | Master de 1994 |
Get Back | GET 54 | Italie | Avril 1999 | lp | Master de 1994 (voir ci-dessous) |
(Pas de label) | PRUCD04000312 | Russie | 2000 | cd | Edition limitée - semi-pirate |
Get Back | GET 54 | Italie | 2004 | lp | Réédition (voir ci-dessous) |
Get Back | get90054 | Italie | 2004 | lp | Vinyle rouge - Série Lo-Cost |
Silverline | 284402-2 | UK | 31/07/2006 | dd | DualDisc (cd/dvd) - Master de 2005 |
(Blank) | Blank 001 | Italie | 2007 | lp | Edition pirate |
Cooking Vinyl | COOK CD 141 | UK | Juillet 2008 | cd | Master de 2005 |
Music On Vinyl | MOVLP647 | UE | Janvier 2013 | lp | Master de 2005 |
Fire Records | FIRELP360 | UK | 21 Août 2015 | lp | Master de 2015 |
Fire Records | FIRECD360 | UK | 21 Août 2015 | cd | Master de 2015 |
Fire Records | FIRELP360 | UK | 2018 | lp | Master de 2015 |
Hearpen - Ubu Projex | HR218 | World | Juillet 2020 | dl | Master 2020 pour format AAC |
Fire Records | FIRELP360W | UK | 3 juin 2022 | lp | Master de 2015, vinyle blanc, 1000 ex |
Master de 1994 - Transfert digital à une résolution de 44.1 khz / 20 bit et mastérisation par David Thomas et Paul Hamann (Studio Suma).
Master de 2005 - Pour le DualDisc de chez Silverline, remixage en son Surround 5.1 par Chris Haynes en juin 2005 (Silverline Studios) et remastérisation du mixage original stéréo en format DVD Audio (96khz/24 bit) et CD Audio (44.1khz/16bit) par David Thomas & Paul Hamann le 16 août 2005 (Suma)
Master de 2015 - Paul Hamann a digitalisé les bandes 2 pistes analogiques originales à la plus haute résolution disponible (192 Khz/24 Bit) (Studio Suma/2015). Brian Pyle a mastérisé les fichiers ainsi obtenus. L'édition vinyle a été finalisé dans le respect de leur source analogique par Pete Norman (Vinyl Tweek, Londres). Pour l'édition cd, les fichiers ont été convertis (44.1 Khz/16bit) à l'aide de la Sumex Brown Box élaborée et construite par Ken Hamann (Suma).
Master 2020 pour le format de fichiers AAC - David Thomas a utilisé les fichiers 192khz / 24bit générés par Brian Pyle pour l'édition vinyle Fire Records de 2015.
Blank Records (1978)
Rough Trade (1981)
Fontana, vinyle (1988)
Fontana, cd (1988)
Nous n'avons jamais trouvé trace d'une édition en musicassette lors de la sortie originale de l'album en 1978, quel que soit le pays. Le site Discogs n'en signale aucune. Cela reste étrange puisque ce support était très courant sur le marché de l'époque.
Il existe des exemplaires de la première édition de chez Blank Records où, si la musique est bien celle de Pere Ubu, les étiquettes centrales du vinyle sont celles de l'album de Suicide Commando, "Make A Record" (Blank #002), disque sorti en même temps. On ne sait pas combien d'exemplaires sont ainsi sortis de l'usine de pressage.
Le label Gap Records, distribué par EMI, diffusait sur le continent australien et en Nouvelle-Zélande les disques Rough Trade. Le pressage vinyle anglais de chez RT date de 1981 alors que le Gap australien indique un copyright de 1980. Erreur d'impression ou sortie anticipée ?
Base Record était une compagnie italienne active dans les années 80. Sa spécialité était la distribution sous licence de labels comme Rough Trade ou Factory. Les quatre premiers albums ont fait l'objet d'une double édition entre 1980 et 1983, l'une sous la marque "Base Record", l'autre sous le nom d'un sous-label, Go International. L'édition "Rough Trade / Base Record" a deux variantes. La première a une pochette en tout point semblable à sa consoeur anglaise, sans aucune mention de Base Record ou tout autre élément qui marquerait son appartenance au marché italien. L'étiquette centrale du disque est noire avec sur le haut une image de planète. "Base Record" est écrit en haut en lettres jaunes. Sur la pochette de la deuxième, au verso figure en petits caractères à droite la mention "Made in Italy by BASE RECORD Bologne". L'étiquette centrale est là blanche avec en logo du label la lettre "B" en jaune. Il est probable que cette deuxième version date de 1983. Dans ces deux versions, il y a le tampon et l'indication de la SIAE sur les étiquettes centrales. Voir ci-dessous.
Base Record (1981) v1
Base Record (1981) v2
Bomba Records, cd (1998)
Les éditions limitées vinyle et musicassette Fontana/Phonogram de 1988 bénéficient d'une belle pochette couleur argentée et portent la mention "Collectors Edition of One Thousand". Il y aurait deux séries de 1000 exemplaires pour l'édition vinyle, une numérotée et l'autre non. A moins que les exemplaires non-numérotés aient en fait échappé à la numérotation ou soient une quantité excédentaire des 1000 annoncés. Mystère. L'édition cassette n'est pas numérotée. Elle existe par contre en plastique transparent, probablement la plus courante, et en plastique noir. Nous ne savons pas si les mille exemplaires indiqués sont la somme de ces deux versions ou s'il existe là-aussi deux séries de 1000. L'édition cd est imprimée en noir & blanc, porte la même mention et est numérotée.
DGC (Universal) a édité en 1998 l'album en cd avec la référence DGCD-25206. La même référence a été utilisée pour une édition particulière d'un club de vente Columbia House, toujours sous l'étiquette DGC. Pour les distinguer, il faut lire les mentions en bas à gauche et, surtout être attentif au code barre : 720642520628 pour l'édition grand public, 247023070000 pour la Columbia House.
L'édition vinyle italienne Get Back (GET 54) était à l'origine sortie en tirage limité à 1 000 exemplaires en avril 1999 (selon le site Ubuprojex). Il y a eu une réédition en 2004, toujours en vinyle 180gr, en même temps que l'édition "Lo-Cost". Pour les distinguer : sur la pochette de 1999, au verso, logo du label, crédits de l'édition et code barre (8 013252 315428) sont en bas à gauche ; sur la pochette de 2004, les mêmes informations sont toujours au verso mais en haut à droite et le code barre est 8 013252 315411. Sur le vinyle, les informations gravées près de l'étiquette centrale dans le sillon final sont "GET 54 LP A" sur la face A et "GET 54 LP B" sur la face B de l'édition de 1999. Sur l'édition de 2004, on peut lire respectivement "571186E1/A" et à l'opposé "www.gzvinyl.com" et "57186E2/A". Pour bien faire, le label a visiblement distribué la réédition de 2004 dans la pochette de 1999. Mon exemplaire, acquis en décembre 2004, est ainsi !
Il existe une édition vinyle pirate, trouvée à Londres en septembre 2007. Elle copie l'original US. Pour les distinguer, le bootleg ne porte pas sur le verso de la pochette, à droite, la mention "Manufactured and Marketed by Phonogram, Inc., a Polygram Company, One IBM Plaza, Chicago, IL 60611. Distributed by Phonodisc, Incorporated. Printed in U.S.A." que l'on trouve sur le disque original.
La réédition cd Cooking Vinyl de juillet 2008 peut être identifiée par la mention 2005 Master au dos de l'objet. Toutefois, certains exemplaires ont été distribués par CV avec l'ancien artwork, sans cette mention, mais avec un sticker indiquant qu'il s'agit de la version remastérisée.
L'album est présent dans le coffret Elitism For The People sorti en 2015 chez Fire Records. Il a également était sorti en édition individuelle vinyle en 2015 puis en 2018 par le même label avec la même référence, FIRELP360. On peut les distinguer par l'année du © et, dans l'édition 2018, le code-barre en bas à gauche s'insère dans le liseret noir classique de la pochette.
Tout est dit sur la photo qui figure au dos de la pochette : un paysage d'enfer, usines, voies de chemin de fer, avion qui décolle, ciel noir chargé de suies, et sur la passerelle qui enjambe le tout, un être fantomatique, trace du passage d'un homme.
Bousculade d'associations : Pere Ubu a sorti un simple, " Final Solution " et cette ombre sur le pont de fer, c'est aussi celle de l'homme d'Hiroshima, gravée dans la pierre par l'explosion atomique.
Dans les " Culbuteurs de l'Enfer " (Roger Zelazny, Chute Libre), c'est dans l'Ohio que le héros, Hell Tanner, rencontre un savant fou. Tout ça fait un collage parfait pour illustrer les chansons du Pere Ubu. Chansons est d'ailleurs un terme fort incorrect pour désigner les cris, les éructations, les plaintes de la bande à Crocus Behemoth.
Philippe Garnier (philosophe français, né au Havre en 1940 et quelques) avait bien raison quand il nous mettait en garde contre cette bande d'inquiétants prophètes (R & F N° 126).
Leur Modern World à eux, ce n'est pas celui des Jam, une histoire de sapes et de moditude. C'est Aujourd'hui dans ce qu'il a de plus inquiétant. Rien que les titres, pour en donner une idée, Pacte de Non-Alignement, Les Vagues de la Rue, Radiation Chinoise, La Vie Pue...
Et leur monde réel (" Real World ") s'écroule dans les cris et les dissonances après avoir cahoté sur un tempo beefheartien, parfaite expression de ce que peut être la schizophrénie urbaine, la cassure entre le corps et les émotions, la tête ailleurs que dans un crâne.
" Modern Dance ", voix qui cherche à se dépêtrer dans un entrelacs de métal, peau qui se déchire sur les pointes acérées des cent mille griffes de Metropolis. Je ne cite pas ce mot par hasard, Pere Ubu crée quelque chose qui ressemble beaucoup à l'expressionniste allemand d'avant-guerre, Robert Wiene (" Le Cabinet du Dr Caligari "), Fritz Lang (" M le Maudit ") : un art qui annonçait des événements terribles.
Pere Ubu cherche à foutre la trouille, et s'il y parvient, c'est qu'on sait bien qu'il a raison quelque part.
Alain Dister, Rock & Folk, n° 135, Avril 1978
Pere Ubu est originaire de Cleveland, Ohio. Essayez d'imaginer un gigantesque laminoir couronné d'une épaisse calotte d'émanations industrielles. Il n'y a plus d'horizon et le soelil s'est définitivement éteint. Nous sommes retombés dans les âges de l'obscurité. Dans ces ténébreuses perspectives, se développe la lépre musicale de Pere Ubu.
Le groupe est emmené par ce personnage en effet très ubuesque qui se nomme Crocus Behemoth, chanteur et sorcier et qui avoue être totalement fasciné par Cleveland et ne désire pour rien au monde quitter cette ville. La musique et le comportement humain en général étant déterminés par l'environnement, vous comprendrez l'extraordinaire potentiel concentré dans celle de Pere Ubu. Pour vous donner une idée approximative, bien que je n'apprécie guère ce genre de procédé, imaginez un croisement crépusculaire entre Captain Beefheart, le Velvet Underground et Magma ... Vous obtenez une véritable matière radioactive et un album unique, une sublime intoxication.
Si Pere Ubu avait eu la possibilité d'inclure sur The Modern Dance ses deux premiers simples (sortis sur Hearthan records) "Final Solution" et "Thirty Seconds Over Tokyo", le cocktail aurait été encore plus nucléaire. Malgré ces absences, The Modern Dance est un album essentiel. "Street Waves" (le troisième simple sur Hearthan), "Non Alignment Pact" (LE PACTE DE NON ALIGNEMENT !) et le très incantatoire "Over My Head" sont de prodigieux morceaux d'apocalypse. La voix de Crocus semble mener un rite satanique et la musique, une chaotique sarabande thaumaturgique. "Sentimental Journey" est une pure distorsion édifiée sur un rythme à base de verre concassé.
Du reste tout est pur chez Pere Ubu, jusqu'à l'emploi du synthé ! Pourtant, le groupe est moderniste. Mais là où Devo, autre bizarrerie de l'Ohio, se révèle n'être qu'un artefact, Ubu lui est une nature où l'esthétique ne commande rien. Si vous êtes écologistes, si vous collectionnez des plantes vertes, cet album n'est pas fait pour vous. Les autres, vous découvrirez une musique de mutation atomique, la plus belle secousse expérimentale depuis longtemps, un disque apocalyptique et gorgé d'espoirs.
Francis Dordor, Best, n° 117, Avril 1978
Pere Ubu appartient, on le sait, à cette nouvelle coterie de groupes américains pour qui le son des années 80 est déjà une réalité objective et il continue sans bruit, son invasion méthodique. Quelques semaines après le single " Modern Dance ", voici l'album du même nom.
Tout débute avec " Non Alignment Pact ", panoramiques diaboliques dans l'espace stéréo. Crocus alias David Thomas peut alors, par ce chant énorme, balayer toutes les résistances, et il ne se prive certainement pas de le faire.
Modern Dance - le morceau - a été réenregistré et sonne encore mieux que le single, au niveau de cette voix gigantesque en particulier. II y a aussi au rayon des trucs déjà connus, une nouvelle version de Street Waves. La première face se termine sur Chinese Radiation, ballade pressurisée qui se transforme en rock terrifiant sous les exhortations de Crocus, déchaînant une foule imaginaire, avant de retomber sous les accords d'un piano majestueux. La face 2 s'ouvre sur un morceau de Peter Laughner, ex-membre du groupe " Life Stinks " (la vie pue), elle devait même puer un peu trop, Peter étant mort il y a quelques mois déjà.
Cette face est la plus étrange, la plus oppressante avec ce point d'orgue terroriste que constitue " Sentimental Journey " où, sur un fond de verre brisé, Crocus se lance dans un discours surréaliste, entouré d'un sax incontrôlé et d'une guitare monotone. De temps à autre, le tout vole en éclats sous les coups de boutoirs d'une batterie insensée et le disque se termine sur " Humor Me ", espèce de Reggae que traverse une splendide guitare asthénique.
Ce disque est en définitive un chant d'amour aux terreurs avenir, dont la photo du verso (Cleveland, la nuit, dans une version volontairement esthétique) donne une approche assez parfaite.
Alain Feydri, Rocks, n°1, Mai 1978
Des américains qui avaient lu Jarry ne pouvaient être foncièrement mauvais. Avec leur new wave explosive et les déclarations iconoclastes de David Thomas, fort leader moustachu, Pere Ubu, étrange groupe vénérant les Stooges - les racines du groupe remontent au mythique combo Rocket From The Tombs - mais accouchant d'une musique bizarrement arty, avait fait très fort avec ce premier album étrange et violent, faisant suite au mythique single Final Solution... Le disque, qui n'avait presque pas marché à l'époque, est devenu ultra culte pour son radicalisme dans concession et ses riffs de guitare dévastateurs. Il est toujours d'actualité aujourd'hui.
Nicolas Ungemuth, Rock & Folk, n°451, Mars 2005
Les amateurs de rock and roll punk torturé ont de quoi se réjouir avec la réédition à un prix ridicule du classique de l'Ubu. Au programme des réjouissances, les guitares qui ont tant marqué Joy Division et le chant féroce de David Thomas hurlant ces hymnes à la joie que sont The Modern Dance, Life Stinks (extrait : "Life stinks, gimme a drink, I love the Kinks") ou Chinese Radiation. Avec, en prime, une pochette que devrait adorer les fans de Franz Ferdinand.
Rock & Folk, n°471, Novembre 2006
C'est un monument du post-punk qui réapparaît aujourd'hui dans les bacs à vinyles. The Modern Dance, premier album de Pere ubu sorti en 1978, est toujours aussi dérangeant aujourd'hui qu'à l'époque de sa sortie. Etrangement, cette réédition Music On Vinyl s'appuie sur les visuels de l'édition publiée en 1988 sur Fontana, avec l'illustration de la pochette couleur gris clair. Côté son, heureusement, rien n'a été dilué. Street Waves, Non-Alignment Pact et Chinese Radiation n'ont rien perdu de leur férocité.
Eric Delsart, Rock & Folk, n°547, Mars 2013
Alors que le vol Sex Pistols Airline vient tout juste d'exploser, le gang de David Thomas sort un premier album aussi réfléchi dans le destroy que le sera le Metal Box de PiL moins de deux ans plus tard. Enregistré entre 1976 et 1977 dans une paire de studios de l'Ohio, The Modern Dance n'est pas seulement un album avant-gardiste mais surtout et avant tout la plus grande représentation musicale de ce que peut être un désordre mental dans la tête de gens unis par la même thérapie. En dix titres qui auraient aussi bien pu sortir d'un asile que d'un studio, le groupe de Cleveland balance un répertoire si barré à l'ouest et en totale adéquation avec un monde malade que le tirage confidentiel original se transforme en sortie mondiale quelques mois plus tard. Le chant de David Thomas est tellement spécial que toutes les chansons sont bâties autour. On peut même dire que toutes les notes jouées sont tolérées dans le mix final uniquement si elles renforcent le sentiment de malaise édictée par la voix. Pour mieux appréhender l'album, l'amateur commencera par Life Stinks. Amen.
Géant Vert, Rock & Folk HS n°29, Décembre 2013
Pete Townshend plaignait grandement tout individu doté d'intelligence qui pourrait vivre dans le Midwest : entouré de bêtise crasse, ces derniers risquaient de se prendre pour les rois du monde, devenir des Supermen dans un verre d'eau. Pere Ubu vient de Cleveland (Ohio), l'une des villes ayant déposé le bilan après la crise des sub-primes. Le groupe naît du schisme des Rocket From The Tombs, dont une partie fondera les débilitants Dead Boys, pendant que l'autre boutonnera la chemise chez Pere Ubu. Ubu roi donc, car au royaume des aveugles... Rapidement, le groupe sort l'inquiétant single 30 Seconds Over Tokyo, suivi quelques mois plus tard par Final Solution. Nom venant de Jarry, en référence à l'holocauste et à la bombe H par single, groupe contenant plus de quatre membres : l'on a forcément affaire à un groupe d'avant-garde. Oui, Pere Ubu connaît son rock allemand sur le bout des doigts et adore inclure un moment free expérimental au milieu de ses chansons. Une démarche non conventionnelle dans l'Ohio de l'époque. Puis, Pere Ubu possède autre chose de hors norme : David Thomas, son leader inouï. Sorte de Tony Soprano ayant perdu le contrôle de ses avant-bras, la mise au premier plan de ce gros bonhomme à la voix de Bryan Ferry fait de Pere Ubu le premier groupe au look nerd. À force de concerts et de singles, le groupe attire l'oreille encore valide de Cliff Burnstein, futur manager de Metallica. Ce dernier convainc Mercury de fonder un label pour accueillir The Modern Dance, qui sortira ainsi sur le très éphémère Blank Records. Beaucoup ont vu en The Modern Dance la naissance de la musique industrielle. Il est vrai qu'Allen Ravenstine bastonne les chansons d'un tas de sons, de l'alarme de début de disque aux éclats de bouteilles sur le sol du studio, sans oublier tous ces étranges bruits de décompression de machine. Son esthétique de déconstruction mise à part, Pere Ubu fait incroyablement penser à Roxy Music, sans la décadence glam. Le Rhodes de The Modern Dance, le saxophone de Laughing, le reggae branque de Humor Me, autant de détails invoquant le premier gang d'Eno. Puis, soudainement, le groupe casse le moule et se retrouve dans ce camp no-wave, arythmique et dissonant. Malgré son inventivité, Pere Ubu n'a jamais obtenu la reconnaissance d'un Talking Heads. Pourtant, dans la guerre des David, Thomas n'a rien à envier à Byrne.
Thomas E. Florin, Rock & Folk HS n°30, Décembre 2014/Janvier 2015 et Rock & Folk HS n°34, Décembre 2016/Janvier 2017
L'Ohio, cet état américain perdu dans le Midwest, a donné naissance à Devo et Pere Ubu, deux exemples de ce post-punk américain multiforme plus cérébral que physique, logique pour un groupe qui a trouvé son nom dans la pièce d'Alfred Jarry, Ubu Roi.
Dés Non-Alignment Pact, le ton est donné : la voix étrange de David Thomas domine un brouhaha sonore frénétique qui se calme parfois (Real World) pour reprendre de plus belle (Life Stinks). Les chansons s'enchaînent et ne se ressemblent pas, aucun titre ne peut prétendre faire office de single, mais l'inspiration ne manque pas. Même s'il faut plusieurs écoutes pour pénétrer dans le monde tordu de Thomas, seul membre fixe du groupe dans les 14 disques qui suivront celui-ci. L'album se conclut dans un calme relatif avec Humour Me, étrange lullaby post-atomique psalmodiée par David Thomas.
Vinyles, Avril 2017
© 2023 Charlie Dontsurf