Fire Records / FIRE 358 (GB), 08/09/2014
David Thomas : voix, XioSynth
Keith Moliné : guitare
Robert Wheeler : synthétiseur EML Electrocomp 101, theremin, iPad
Michele Temple : basse
Steve Mehlman : batterie, percussion, voix
Gagarin : electronica
Darryl Boon : Clarinette
Titres : Boon - Dowdall - Mehlman - Moliné - Temple - Thomas- Wheeler, sauf :
Golden Surf II : Dowdall - Mehlman - Moliné - Temple - Thomas - Wheeler
Visions of the Moon : Boon - Mehlman - Moliné - Temple - Thomas
Brother Ray : Boon - Dowdall - Mehlman - Moliné -Thomas
Strychnine 1 à 5 : Moliné
Production : David Thomas
Ingénieur du son : Paul Hamann
Studios : Suma (Paisneville/Ohio)
Graphisme : Alexandre Horn
Typographie : John Thompson
Le livre-compagnon du disque :
L'album a été enregistré entre août 2013 et mai 2014 aux studios Suma (Paisneville) par le fidèle Paul Hamann.
Certaines des chansons trouvent leur origine dans des titres écrits pour une projection du film fantastique Carnival Of Souls (Herk Harvey/1962) accompagnée par le Pere Ubu Film Group le 15 juillet 2013 (Londres).
Après être entré en studio au mois d'août 2013 et présenté les premiers travaux-en-cours chez Heapen.com sous le nom Beep Fiction, le groupe, dans une version "troupe de choc" (Boon - Gagarin- Mehlman - Moliné - Thomas), a pris les routes européennes en novembre pour une tournée qui a traversé la France (un Living Room Concert à Troyes), l'Italie, la Croatie, le Royaume Uni et l'Irlande. Au cours de cette tournée, cette édition spéciale du groupe a développé, improvisé, créé autour des thèmes déjà travaillés pour ce nouveau projet. L'album Visions of the Moon, enregistré au Village de Dublin (Irelande) le 14 novembre 2013 témoigne de l'excellence de cette tournée. C'est autour de ce matériau de base que s'est poursuivi l'enregistrement de l'album jusqu'en mai 2014.
Le titre Brother Ray a été enregistré "live" au Mocvara de Zagreb (Croatie) par Jasmin Dasovic le 3 novembre 2013. Des portions de Golden Surf II et Dr Faustus ont été enregistrées par Nadan Rojnic au Village de Dublin (Irlande).
Stephen Hague a mixé Golden Surf II et Bus Station.
Comme pour Lady From Shanghai, un livre signé David Thomas accompagne l'album. Il s'intitule COGS, The Making of COS.
Label | Référence | Pays | Date | Commentaires | |
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Fire Records | FIRECD358 | UK/ROW | 08/09/2014 | cd | |
Fire Records | FIRELP358 | UK/ROW | 08/09/2014 | lp | |
Fire Records | FIRELP358G | UK/ROW | 20/10/2014 | lp | Vinyle couleur or |
C'est pour des raisons techniques qu'avec ses 12 mn le titre Brother Ray ne figure pas sur le vinyle. Il a été "remplacé" par 5 interludes appelés Strychnine et signés par Keith Moliné. L'édition vinyle comprend toutefois un bon de téléchargement qui permet de récuperer l'ensemble des titres en version mp3.
Le Canal Auditif - Stéphane Deslauriers Septembre 2014 (Canada)
Indiepoprock - Willou Octobre 2014 (France)
Ames sombres
Dans Irene, avant-dernière chanson de l'album, le chanteur David Thomas mélange un peu tout : les paroles du Goodnight, Irene de Leadbelly et celles du I Put a Spell On You de Screamin' Jay Hawkins. Ailleurs, ce sont 96 Tears de Question Mark ou People Are Strange des Doors qui sont cités. Un micmac textuel qui colle parfaitement aux rythmes concassées et à la musique explosée du dix-huitième enregistrement du groupe qui fêtera l'an prochain ses quarante ans d'existence. Impressionnant, toujours sous tension industrielle (Golden Surf II ressemble a du Suicide produit par Trent Reznor), ce "Carnival of Souls" laisse peu de répit à l'auditeur. Seuls quelques morceaux plus posés mais hantés (le magnifique Visions of the Moon) permettent de respirer un peu.
Eric Tandy, Rolling Stone, n°67, Septembre 2014
Après bientôt quarante ans de production discographique - à la tête de Pere Ubu et d'une poignée de projets annexes - David Thomas n'est d'évidence toujours pas à court d'inspiration. Certes, d'aucuns pourraient arguer que la discographie de l'américain est en accordéon, le meilleur (l'inusable Dub Housing, 1978) côtoyant parfois le moyen (The Art Of Walking, 1980) voire l'incompréhensible (Song Of the Bailing Man, 1982). Empruntant le titre d'un film d'horreur des années 60, Carnival of Souls reste fidèle à l'univers bipolaire de son créateur - d'ailleurs pas totalement feint - à sa manière hallucinée de décrire son quotidien et ce qui se passe dans sa tête : "Il y a un singe en vadrouille dans mon crâne", dit-il sur l'excellent Carnival. En septuor, il a choisi pour enregister ce dix-huitième album studio de concentrer les énérgies sur l'année 1975, quand sous l'alias de Rocket From The Tombs (entre autres), il avait bien avant la lettre inventé une forme de post-punk libertaire dont l'héritage n'est plus à démontrer. Ce que vient nous rappeler Golden Surf II - gros son bien crade, batterie folle et cette façon si particulière de chanter, entre imprécation vaudoue et déclamation de pasteur évangéliste sous acide (Drag The River). La solide section rythmique, l'électronique souvent audacieuse (distillée par Robert Wheeler et Gagarin) ainsi que les surlignages délicats à la clarinette (et clarinette basse) de Darryl Boon offrent autant de bordures et de limites aux extrapolations de David Thomas, qu'il se fasse conteur (Visions Of The Moon, Dr Faustus), charmeur (Irene) ou qu'il se frotte à la pop psychédélique (Road To Utah) en flirtant avec le Set The Controls For The Heart Of The Sun de Pink Floyd. Ultime clin d'oeil au passé, les douze minutes de Brother Ray, un autre conte de la folie ordinaire (et banlieusarde) dont il détient le secret. Pouvant conter sur une base de fans renouvelée au fil du temps, Pere Ubu n'a cessé de tourner et d'arpenter le monde. A l'inverse de moult dinosaures, son public ne vient jamais pour écouter un florilège de tubes qui sentent la naphtaline - transformant tout concert en sortie du troisième d'âge - mais bien pour entendre ce qu'il a composé de neuf. De quoi se sentir mieux le matin quand on se regarde dans la glace.
Marc Gourdon, Magic, n°185, Septembre 2014
Après une série de concerts à travers l'Europe en 2013 - le festival marseillais MIMI notamment - en formation "troupe de choc" comme le dit David Thomas lui-même - manière de traduire par une allégorie manifeste la façon toujours aussi particulière du groupe de transcender depuis près de quarante ans les notions d'avant-gardisme rock et d'accessibilité pop/post-punk - Pere Ubu est de retour avec un 18ème album (16ème album studio) aux contours toujours aussi ambivalents. Conçu au gré de ces différentes étapes live, "Carnival of Souls" délimite un champ conceptuel et musical beaucoup plus large que son prédécesseur, le très électronique "Lady From Shanghai". Une approche dans laquelle une nébulosité cinématographique semble relier les différents éléments du décor comme un fil d'Ariane distendu, avec des allures de B.O. souvent fantomatique et pulsionnelle comme en témoigne le très instrospectif Dr Faustus, dont les ressorts électriques et acoustiques crispants renvoient aux expériences d'une musique de chambre rock sournoise. Autour de cet axe imaginaire presque cryptique, certains élans aériens traduisent les aspirations plus lumineuses du groupe (pop grésillante sur Visions of the Moon, ou plus cosmique sur Bus Station), alors que la noirceur des riffs trouve souvent d'étranges échos blues-rock mutants (Road to Utah). Mis à part sur le titre d'ouverture, Golden Surf II, brûlot punk noisy carnassier, "Carnivals of Soul" privilégie donc sans conteste les moments d'expectation prospectifs, les jeux de dupe soniques, tourbillonnant dans un monde fantasque. Aussi, que les voies empruntées relèvent de la mise sous tension (Drag The River), ou au contraire d'un dépouillement plus abstrait (Irene), c'est dans cet entre-deux instable, bouillonant et organique, que le disque trouve toute cette énergie noueuse et pénétrante qui maintient son écoute dans un constant flux grisant.
Laurent Catala, New Noise, n°23, Septembre 2014
En quelque quarante ans de carrière, le gang de Cleveland n'aura eu de cesse d'expérimenter dans les directions musicales les plus tordues qui soient. Cette fois-ci, Pere Ubu risque encore de surprendre tant ce nouvel album sonne rock avec tempos binaires, guitares hurlantes et tout et tout. Bref, du pur bonheur pour toutes les oreilles des rockers qui vivent plus la musique qu'ils ne l'intellectualisent. Faut pas rêver non plus, "Carnival Of Souls" reste du Pere Ubu, mais l'ensemble est tout de même bien plus accessible que les dernières productions du groupe. Rien que pour cette mise à niveau avec le commun des mortels, cet album sera l'accessoire indispensable de tous les énervés qui souhaitent réaliser une rentrée des classes irréprochable. Seul bémol, les douzes minutes de Brother Ray qui ponctue la bestiole en rappelant ô combien certains aspects de Pere Ubu peuvent être difficiles d'accès. Pour le reste, de Golden Surf II à Irene, ce sont huit titres en béton armé livrés chacun avec un univers sonore garanti jamais écouté auparavant. David Thomas étant un personnage pratique, il a pris soin d'écrire "Cogs - The Making Of Carnival Of Souls", un livre riche en renseignements susceptibles d'éclairer les lanternes de toutes les personnes qui pourraient encore se poser des questions après écoute de l'engin. Le lecteur y apprendra, entres autres, que le chanteur explique les économies de mots réalisées dans ses textes par le fait qu'il ne se considère pas du tout comme un poète mais plutôt comme un journaliste livrant des informations au public. Au moins, personne ne pourra lui reprocher de se la péter avec sa plume.
Géant Vert, Rock & Folk, n°566, Octobre 2014
Même si David Thomas a annoncé avoir beaucoup écouté le Pawn Hearts de Van Der Graaf Generator quand il a travaillé sur cet album, je vous rassure tout de suite, Pere Ubu ne s'est pas mis au prog rock. Il ne faut pas croire non plus que ce disque est uniquement constitué des morceaux composés pour accompagner le film de Herk harvez de 1962, même si ceux-ci colorent l'ensemble d'une couleur rêveuse, noire et mélancolique avec la présence d'orgue et de clarinettes ("Visions Of The Moon", "Carnival", "Road To Utah"). "Golden Surf II" est un morceau rageur, une sorte de kraut-punk déstructuré, alors que "Bus Station" rappelle le groove post-punk des vieux titres de Pere Ubu. D'autres se font plus improvisés ("Dr Faustus", "Brother Ray") et, "Irene" nous prouve encore une fois que Thomas est aussi un grand chanteur de blues, même si son timbre reste toujours aussi singulier et haut perché. Entrecoupé d'interludes de Keith Moliné à base de manipulations électroniques, de vox trafiquées et de langage morse,Carnival Of Souls se révèle au final un album très riche, montrant l'étendue des possibilités d'un projet toujours aussi original. Il y est question de la lune comme sanctuaire pour les morts ("Drag The River"), des paysages du Midwest américain, des singes savants (avec une référence au "Feed The Monkey" de l'entraineur de football, Roy Hodson) et même du Jour du Fléau de Nathanael West ("Brother Ray"). Pere Ubu utilisent, comme à leur habitude, les références pour les détourner et les incorporer à un univers imaginaire. Du coup, même des chansons bien connues comme "I Put A Spell On You" de Scremin' Jay Hawkins ou "I Walk The Line" de Johnny Cash sont re-contextualisés pour se fondre dans cette étrange poétique dont seul Thomas a le secret. en somme, Carnival Of Souls est un album où le grotesque s'avère on ne peut plus sérieux, nous parlant à la fois d'errance et de cette mort qui nous guette tous.
Mäx Lachaud, Obsküre, n°23, Novembre 2014
© 2023 Charlie Dontsurf